Un téléphérique toujours en projet, un pont dont des études devront démontrer l’opportunité ou encore sept nouvelles lignes de bus et des kilomètres de pistes cyclables… Le nouveau schéma des mobilités de la métropole bordelaise (dont Rue89 Bordeaux vous présentait le contenu en avant-première), dévoilé ce vendredi lors de la conférence de presse de rentrée de son président Alain Anziani, a sans doute déçu les amateurs d’annonces spectaculaires et de geste architectural ou technologique.
« C’est un plan d’urgence de fin de mandat », râle Patrick Bobet, ancien président de la métropole et leader du groupe Métropole Commune(s). « Des solutions petits bras qui ne répondront pas à la demande », abonde Michel Labardin, ex vice-président aux transports, rappelant que Toulouse va investir 2,7 milliards dans une troisième ligne de métro.
Le maire de Gradigan n’encaisse pas l’abandon du prolongement du tram B vers sa commune. Un quasi déni démocratique à ses yeux, alors que la précédente mandature avait voté la demande de DUP (déclaration d’utilité publique), et un choix contestable alors que plus de 2000 logements vont être construits à Gradignan.
« Pas de tabou »
La VAN (valeur actualisée nette, qui calcule la rentabilité d’une infrastructure en fonction de son coût et du potentiel de voyageurs), positive de 1 à 10, « était très faible pour Gradignan, et nettement déficitaire pour Parempuyre », justifie Alain Anziani à propos de l’arrêt des projets de desserte de ces communes par le tramway.
« Il n’y a pas de tabou du tram, il a son utilité », poursuit le président de la métropole, indiquant notamment que les études seront reprises pour celui vers Saint-Médard après l’arrivée du bus express Bordeaux – Saint-Aubin, qui desservira cette commune. « Mais le tram rencontre aussi des limites : son coût – 20 millions d’euros du kilomètre. Et plus les lignes sont longues, plus les risques de panne augmentent. Or quand un tram est en panne, on ne peut pas injecter une rame à sa place qui permet de le dépasser. Contrairement au bus. »
Écartant l’hypothèse du métro – « 100 millions d’euros du kilomètre alors qu’il ne prend pas en compte les flux extérieurs, quel intérêt ? », selon Alain Anziani -, la nouvelle majorité de gauche et écologiste à la métropole a donc fait le choix du bus, en doublant le kilométrage de couloirs sur les lignes existantes – de 80 à 160 km – pour améliorer leur vitesse commerciale, et en lançant 7 nouvelles lignes de bus express (terme préféré au trop techno BHNS, bus à haut niveau de service).
« Nous avons mis 20 ans pour construire 78 kilomètres de lignes de tramway, nous allons en mettre 10 pour faire 104 kilomètres de nouvelles lignes de bus express, dont trois circulaires » (liaison des boulevards, Technobus extra rocade et ligne intrarocade desservant les centres de l’ouest de la métropole), indique Clément Rossignol-Puech.
700000 nouveaux voyageurs
De nouveaux cars express et le renforcement des lignes TER sont également au programme du RER Métropolitain, inscrit au schéma des mobilités. Pour le vice-président de Bordeaux Métropole en charge des mobilités, cela permettra en partie d’absorber la charge de nouveaux voyageurs attendus en 2030.
« Nous avons actuellement trois millions de déplacements par jour sur le territoire de la métropole, nous gagnons près de 10000 habitants par an, qui se déplacent plus souvent – 4,2 déplacements par jour contre 3,8 il y a une dizaine d’années. En 2030, nous en aurons 700000 de plus à à gérer, selon l’a’urba. (…) Mais selon des projections réalisées, notre stratégie permettra de contenir cette hausse des déplacements. »
Bordeaux Métropole table ainsi sur une augmentation de 34% de l’utilisation des transports en commun, qui atteindraient 17% de part modale, contre 12% aujourd’hui. Mais surtout sur un boom de +69% de la pratique du vélo, dont la part modale passerait de 8% des déplacements actuellement sur la métropole à 18% en 2030.
REVe éveillé
La métropole s’appuiera notamment sur un Réseau express vélo (REVe) – 14 itinéraires cyclables continus dotés d’une signalétique dédiée et de services associés (stations de pompage ou de réparation, box…), les deux premiers étant programmés pour 2022 : Bordeaux – Parempuyre et Bordeaux – Artigues.
Les modes actifs deviendraient ainsi majoritaires, puisque la collectivité entend faire progresser également la part modale de la marche de 29% à 32%. S’ils nécessitent des investissements moins lourds, ils ne sont pourtant pas les mieux lotis : 224 millions d’euros sur un budget de 3 milliards, dont seulement 2 millions consacrés pour l’heure au « plan marche », selon nos informations. De quoi refaire quelques trottoirs, pas de piétonniser les centre-bourgs des 28 communes… Les plans marche et vélo seront présentés en novembre.
L’opposition s’inquiète en outre de la cohabitation qui pourrait devenir difficile entre usagers, notamment entre bus et vélos sur les couloirs partagés.
« Les bus ont l’avantage de pouvoir être déployés rapidement et à moindre coût, estime par exemple Thomas Cazenave (Renouveau Bordeaux). C’est bien, à condition qu’ils soient très efficaces, et puissent rouler en site propre. Le diable se loge dans les détails, qui va être l’aménagement et le partage des espaces. »
La proportion de couloirs bus sur les 7 nouvelles lignes n’est pas encore connue, répond Clément Rossignol-Puech, qui précise toutefois que des couloirs bus seront faits « seulement là où c’est nécessaire, pour ne pas pas générer de dépenses inutiles ».
« La guerre à la bagnole est déclarée »
Le vice-président met aussi en avant d’autres solutions pour réduire (de 10%) et apaiser le trafic automobile – 7 nouveaux parkings relais dans la métropole, création d’aires de covoiturages et de voies réservées aux covoitureurs sur les pénétrantes, objectif de 400 plans de déplacements d’entreprises pour promouvoir les alternatives à l’autosolisme chez les salariés…
Des zones 30 et 20 seront par ailleurs déployées dans plusieurs communes (Lormont, Carbon Blanc, Floirac, Bordeaux, Bruges…), et une zone à faible émission est en cours de concertation entre Bordeaux, la métropole et les communes concernées, dans l’intrarocade. La loi sur les mobilités fixe fin 2024 pour date limite.
« La guerre à la bagnole est déclarée », tranche Emmanuel Sallaberry, le maire de Talence. Alain Anziani promet que non, avançant que de nouveaux barreaux routiers sont en projet et qu’il « croit à l’avenir de la voiture ». Mais la droite regrette le manque de propositions sur la rocade – elle avançait l’idée d’une quatrième voie, en limitant la vitesse à 70 à l’heure.
Les marcheurs appellent la métropole à en faire un cheval de bataille pour obtenir de l’Etat, en charge de cet axe, le droit de réguler l’accès des poids lourds en amont de Bordeaux. Le schéma des mobilités suggère de moduler les tarifs aux péages pour réduire les passages des camions aux heures de pointe.
Comme avec la SNCF et la Région Nouvelle-Aquitaine sur le RER métropolitain, pour lequel la métropole souhaite un « pass Navigo » valable indifféremment dans les trains et le réseau TBM, une partie de la stratégie de l’agglomération dépendra donc de l’entente avec ses partenaires.
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