Le Conseil d’Etat a tranché et l’affaire de la fermeture temporaire de la mosquée Al Farouk de Pessac pourrait être définitivement classée. L’arrêté prononcé par la préfecture de la Gironde le 24 février, l’accusant de promouvoir « un islam radical et une idéologie salafiste », a d’abord été suspendu par le Tribunal administratif de Bordeaux. Ce qui a poussé le Ministère de l’Intérieur à déposer un recours devant le Conseil d’Etat, qui a confirmé la décision prise en première instance.
« Un respect renouvelé pour la justice de ce pays »
C’est une « victoire » pour le Rassemblement des musulmans de Pessac (RMP). « Une joie immense et un soulagement » pour Abdourahmane Ridouane, président de cette association gérant la mosquée, qui a pu être entendu devant le Conseil d’Etat, alors que la préfecture « avait décliné [ses] demandes d’entretien ».
« J’ai un respect plus que jamais renouvelé pour la justice de ce pays, déclare-t-il à Rue89 Bordeaux. La haute cour nous conforte dans cette idée que nous sommes dans un État de droit. Il garantit une protection qui nous rassure par ces temps très difficiles où les libertés sont menacées. Les preuves de culpabilité de la mosquée et de ma personne en tant que soutien du terrorisme, du séparatisme et de l’antisémitisme ne tenaient pas la route au regard des faits. Certes on pouvait désavouer certaines publications mais elles ne faisaient pas pour autant de moi un ennemi de la République. »
Son avocat Maître Sefen Guez Guez s’est réjoui sur Twitter, précisant que la mosquée n’avait finalement « jamais exécuté » l’arrêté de fermeture.
« Mort en martyr »
« Rien dans le dossier présenté par le Ministère de l’Intérieur ne permet de rapprocher la mosquée de Pessac de l’incitation à la commission d’acte terroriste », écrit l’avocat dans un communiqué. La Préfète, Fabienne Buccio, avait estimé que « des prêches et des propos ont régulièrement incité à ne pas respecter les lois de la République, justifié les attentats et valorisé la mort en martyr ».
Son argumentaire se fondait principalement sur des commentaires postés sur les réseaux sociaux, ce qu’a rejeté le tribunal administratif de Bordeaux. Le juge des référés avait estimé que « la décision de fermeture de la mosquée pour une durée de six mois présentait un caractère disproportionné par rapport à l’objectif de prévention des actes de terrorisme et portait ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte ».
Malgré « leur caractère critiquable, notamment en ce qu’elles laissaient croire à l’existence d’une islamophobie généralisée en France et qu’elles remettaient en cause le principe de laïcité et la liberté d’expression, ces publications ayant motivé cette fermeture ne présentaient pas un caractère extrémiste au point de provoquer, par la haine et la violence, à la commission d’actes de terrorisme ».
Le juge avait en outre « pris en compte la circonstance que, avant la décision de fermeture, l’association avait supprimé les écrits dénoncés par l’autorité préfectorale et pris des mesures pour éviter le renouvellement de provocations à la violence ou à la haine en procédant au remplacement du gestionnaire du site et en désignant un modérateur ».
Antisionisme
Interrogé par Rue89 Bordeaux, Abdourahmane Ridouane, président du RMP avait fait part de son indignation.
« Si moi ou nos imams étions dangereux, il y a longtemps que la mosquée serait fermée ou que nous serions en garde à vue. Au contraire, j’harangue la foule à faire le bien car nous sommes aussi la Nation. Oui, je suis très critique avec Israël car je suis foncièrement antisioniste. Mais je ne suis pas antisémite. Je ne parle pas des Juifs et des citoyens d’Israël, mais de la politique coloniale d’un État qui comme Poutine en Ukraine, a violé l’intégrité d’une nation, la Palestine. »
Dans le dossier présenté devant la justice, il lui était reproché, entre-autres, de relayer sur sa page Facebook personnelle une pétition dans le cadre de la campagne #FreeTarikRamadan lancée en réaction à son placement en détention provisoire en 2018.
Il avait également partagé une vidéo en 2021 sur la page Facebook du RMP qui dénonçait la dégradation de la situation humanitaire dans la bande de Gaza, ainsi qu’un article qu’il a rédigé en 2017 déplorant « la solidarité aveugle avec la politique sioniste d’Israël » du Conseil représentatif des institutions juives de France. Toutes ces publications étaient considérées « comme un appel à la haine d’Israël ».
Abonnez-vous ou offrez un abonnement pour permettre à Rue89 Bordeaux d’étoffer sa rédaction
Chargement des commentaires…