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« Epargnez-nous les démonstrations ! » : de Didier Nordon à l’essentiel

Drôle de titre que signe celui qui est devenu enseignant-chercheur en mathématiques à Bordeaux, venant de Paris. Dans son dernier livre publié chez Pont 9, Didier Nordon fait l’éloge de l’aphorisme.

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« Epargnez-nous les démonstrations ! » : de Didier Nordon à l’essentiel

Didier Nordon n’est pas un mathématicien comme les autres. Le premier de ses livres, « Les mathématiques pures n’existent pas ! » paru chez Actes Sud en 1981, avait fait mes délices, moi qui ne pigeais pas grand chose aux maths. Enfin un matheux qui savait écrire et abordait sa discipline avec une distance et un humour tout à fait réjouissants.

Par la suite, la rencontre épistolaire de Nordon avec Jacques Ellul, « L’Homme à lui-même » (éditions du Félin, 1992) lui a permis de rendre hommage au « Système technicien » (1977), ce livre clé de la pensée ellulienne, et de trouver la justification du travail qu’il avait entrepris et qui le mettait en porte à faux par rapport à ses collègues mathématiciens – comprendre qu’ils étaient soumis à ce système technicien était pour lui une vraie libération.

Cul sec

Ont suivi de nombreux livres, des articles où se mêlaient littérature et sciences. Voici, en ce temps où le sérieux et le pesant du ton tentent de faire oublier la vacuité du propos, un recueil d’aphorismes qui s’offre à une lecture vagabonde.

Le genre est casse-gueule – Nordon a de prestigieux ancêtres, Schopenhauer, Nietzsche, Oscar Wilde, pour ne citer qu’eux. Le risque est toujours grand de vouloir apparaître comme un sage, revenu de tout, et qui condescend à formuler en quelques lignes l’essentiel de sa pensée.

Mais ce serait mal connaître Nordon que de croire qu’il se prend pour un maître de sagesse. Quand le sérieux le guette, il sait le désamorcer d’une pirouette, et la pirouette se révèle plus profonde que le sérieux lui-même. L’ironie et la dérision n’ont de force que si on se les applique à soi-même.

Faire la théorie de l’aphorisme : « l’aphorisme se consomme cul sec puis se savoure lentement » n’empêche pas d’être conscient du fait que cela reste un plaisir très solitaire : « Tant pis pour mes lecteurs si je n’en ai pas. »

Optimiste ou pessimiste ?

Les thèmes les plus constants sont la mort (« les ruines me touchent : elles me rappellent mon avenir »), l’absurdité des efforts que font les hommes pour n’y point trop penser, le passage du temps. Optimiste ? Pessimiste ? C’est selon. Il n’y a pas d’échappatoire ; pas de Dieu (« le drame d’un athée qui se met à douter de l’inexistence de Dieu ») ; pas d’homme providentiel – Nordon est gentiment misanthrope : « Si l’humanité était une espèce supportable, ça se saurait, non ? » Il n’a pas une confiance excessive en la raison ni surtout dans les hommes qui croient en elle (« la raison si on s’en sert cinq minutes par jour, c’est bien le maximum »).

Norton collige les apophtegmes des autres mais c’est pour les retourner comme un gant – ce qui montre bien qu’ils ont, ainsi transformés, autant d’intérêt que sous leur forme première.

Aux douze chapitres de son recueil, il ajoute un dictionnaire qui n’est pas celui des idées reçues mais le constat amusé et désabusé de l’usage (on dirait aussi bien du mésusage) que nous faisons des mots, en les mettant au service de n’importe quelle cause. Reste le plaisir que nous en pouvons tirer, des mots, quand nous jouons avec eux. Et c’est déjà beaucoup.


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