« Une vision et une capacité à faire ». Voila les deux principaux atouts que Vincent Feltesse, 52 ans, revendique en abattant ses cartes pour les élections municipale et métropolitaine à Bordeaux : une expertise, issue notamment des travaux de son think tank d’experts, l’association Bordeaux Métropole des quartiers 2020. Et une expérience en tant que président (socialiste) de la Communauté urbaine de Bordeaux de 2007 à 2014 :
« Le bilan des 25 ans d’Alain Juppé, et du mien lorsque j’étais en responsabilités à la métropole, est très bon, sauf sur la question du logement et de la maîtrise du foncier. Mais on ne peut pas se reprocher d’avoir dynamisé la ville, passée de 2000 à 14000 créations d’emplois par an, alors qu’il y a toujours 25000 chômeurs. On ne peut pas s’excuser d’être une ville phare en France et en Europe. »
Parallèlement, alors que l’objectif de « métropole millionnaire » visait à contenir l’étalement urbain, le candidat prend acte des problèmes posés en termes de besoins en transports et en écoles insuffisamment anticipés, ou d’inquiétudes pour la qualité de vie.
Laisse béton
Aussi, l’actuel magistrat financier à la Cour des comptes ne propose pas « un coup d’arrêt », mais un « virage » vers une « économie du bien être ». Si il se dit ni « décroissant » ni collapsologue, ses propositions sont assez radicales sur la mobilité, l’environnement et le logement.
Concernant ce dernier point, il fait le constat que « la politique de l’offre ne marche pas » – « On n’a jamais autant produit de logements, et on n’a jamais connu une telle flambée des prix ». Aussi, l’élu municipal plaide-t-il pour davantage de régulation – contrôle des loyers, réquisition, et une meilleure utilisation de l’établissement public foncier, en charge de préempter des terrains, et dont les crédits sont d’après lui sous-exploités.
Il réclame en outre un moratoire sur toutes les grandes opérations d’aménagement : la Jallère, dont la fin du projet est désormais aussi souhaitée par Nicolas Florian, mais aussi Brazza, Bastide Niel ou Euratlantique : « S’il n’y a pas assez d’équipements publics ou de transports collectifs, on arrête ».
Dénonçant les « gadgets verts » avancés par certains de ses concurrents (parcours végétalisés chez Thomas Cazenave, « forêt de chez Jardiland » sur Pey Berland pour Nicolas Florian, piscine ou ferme urbaine suggérées par Matthieu Rouveyre…), Vincent Feltesse souligne la dimension « structurelle » de l’écologie dans son programme.
La métropole milliardaire
Afin de faire face à l’urgence climatique, qui selon le GIEC impose une réaction rapide, il propose ainsi un grand emprunt vert d’un milliard d’euros (équivalent aux investissements actuels engagés par la métropole dans la mobilité). Cela financerait sous la mandature de grands chantiers tels que la végétalisation de la ville, un mode de transport circulaire sur les boulevards ou la ceinture ferroviaire (avant renouvellement de la délégation de service public transports, en 2023) ou encore la remise à plat de la question du stationnement.
Vincent Feltesse ne va là pas se faire que des amis : pour donner une plus grande place au vélo et au piéton, et lutter contre la pollution atmosphérique, il suggère d’interdire dans l’intra-boulevard le stationnement en surface des voitures individuelles (sauf pour les personnes malades ou handicapées et pour les véhicules en autopartage). Et il suggère d’étudier l’instauration sur la rocade d’un péage urbain « avec des cliquets sociaux » pour ne pas pénaliser les automobilistes modestes.
Autant d’idées qui pourraient être approuvées par Pierre Hurmic et les écologistes. Forts de leur résultat aux européennes à Bordeaux, ceux-ci devraient lancer leur propre campagne d’ici la fin septembre, alors qu’en 2014 ils avaient fait liste commune derrière Vincent Feltesse…
Compte à rebours
S’il présentera son équipe le 16 ou le 17 septembre prochain (50e anniversaire du discours du Premier Jacques Chaban-Delmas sur la Nouvelle Société), ce dernier, récent démissionnaire du PS, part ainsi sans grosse écurie derrière lui. Mais après avoir appelé à voter EELV aux élections européennes, il assure que les ponts ne sont pas rompus :
« Avec Pierre (Hurmic, NDLR) nous sommes suffisamment grands pour dépasser nos différends passés. Aujourd’hui nos divergences portent plus sur les moyens qu’on se donne – il a par exemple une position dure sur la cogestion de la métropole -, que sur les grandes orientations. Mais nous avons encore du temps avant le 1er tour (le 15 mars 2020, NDLR). »
Le risque est pour la gauche qu’une multiplication des listes obère toute chance de qualification au deuxième tour. Sans parler des difficultés à trouver ensuite une majorité à la métropole, où, rappelle Vincent Feltesse, se prennent l’essentiel des décisions capitales pour ses habitants. Et c’est aussi au niveau de l’agglomération, souligne-t-il qu’après la crise des Gilets jaunes, doivent se nouer les solidarités avec les « filleules de Bordeaux », ses cités périphériques comme Langon, Saint-Emilion, Sainte-Foy-la-Grande…
Tout en revendiquant une part de l’héritage Juppé, il tire à boulet rouge sur ses successeurs au Palais Rohan, et indirectement sur LaREM, en visant la politique du gouvernement mise en musique par la préfète :
« Les mots ne veulent plus rien dire quand on appelle la prochaine saison culturelle Bienvenue ! au moment où un millier de personnes sont expulsées des squats de la métropole. »
Une façon de rappeler à une partie de l’électorat blasé des socialistes qu’on peut garder un ADN de gauche après avoir œuvré pour François Hollande.
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