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Municipales : Florian et Hurmic collés-serrés, Bordeaux vers un plan à quatre

Distancé de 96 voix par Nicolas Florian, le maire sortant, l’écologiste Pierre Hurmic peut remporter la Ville, dans une élection à plusieurs inconnues. Que fera le marcheur Thomas Cazenave, en position de se maintenir ? Les électeurs de Philippe Poutou seront-ils tentés par le vote utile pour faire battre la droite ? Le scrutin, marqué par une très faible participation (36,93%), ira-t-il à son terme si la population est confinée pour cause de coronavirus ?   

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Municipales : Florian et Hurmic collés-serrés, Bordeaux vers un plan à quatre

C’est du jamais vu à Bordeaux depuis la Libération : un second tour aura lieu dimanche prochain, du moins s’il n’est pas annulé pour cause de confinement face au coronavirus. Les craintes des citoyens face à la propagation de l’épidémie et aux mesures décrétées par le gouvernement,  ont entraîné une abstention historique : seulement 36,93% des Bordelaises et Bordelais se sont déplacés pour voter (20% de moins qu’aux dernières municipales, en 2014).

Ils ont donc placé Nicolas Florian (Les Républicains) devant Pierre Hurmic  d’une très courte tête – 18990 voix pour le premier (34,56%), 18894 pour le second (34,38%). De quoi soulager le maire sortant, qui n’est pas parvenu à creuser un écart significatif. Au vu des derniers sondages, la dynamique semble au contraire être du côté de la liste Bordeaux Respire ! (EELV, Parti socialiste, Parti communiste, société civile).

La droite à la maison

Nicolas Florian a peut-être été aussi affecté par une succession de révélations dans la dernière ligne droite, dont le cumul de ses indemnités d’élus avec ses allocations chômage entre 2014 et 2016. Mais le successeur d’Alain Juppé – discrètement présent dimanche au Palais Rohan auprès de son ancien adjoint aux finances –, a tenu à relativiser ce score décevant, sans toutefois remettre en cause la légitimité du vote :

« Dans la plupart des grandes villes de France, les maires sortants sont dans le même étiage. La faible participation a beaucoup impacté (sic) un certain nombre de nos électeurs les plus traditionnels, des personnes matures qui ont entendu des messages plutôt inquiétants » sur le coronavirus, et préféré ne pas se déplacer.   

Nicolas Florian et ses colistiers à la mairie de Bordeaux le soir du premier tour (SB/Rue89 Bordeaux)

L’électorat de droite serait ainsi plus resté à la maison que l’électorat de gauche. Conseiller municipal depuis 1995, Pierre Hurmic profite en outre de la vague verte ayant placé les écologistes en tête à Lyon, Strasbourg, Besançon…

« C’est un score historique à Bordeaux, pour la première fois un maire sortant est en ballotage, s’est-il réjoui. Je m’étais fixé deux aspirations au début de la campagne : créer une liste de rassemblement pour pouvoir incarner l’alternance à Bordeaux ; et que cette alternance et ce rassemblement s’incarnent autour de l’écologie. (…) C’est une double satisfaction. »

Pierre Hurmic répond à la presse ce dimanche (CM/Rue89 Bordeaux)

L’ « exploit » de Poutou

Devancé de 96 voix, Pierre Hurmic n’est néanmoins pas parvenu à mettre Nicolas Florian en ballotage défavorable, et ses réserves de voix semblent limitées. D’autant que Philippe Poutou, qualifié pour le second tour avec 11,7% des voix, a sans surprise confirmé le maintien de sa liste Bordeaux en Luttes :

« Pour nous c’est presque un exploit (…) Dans une ville bourgeoise, une ville tout le temps à droite, il y aura une liste anticapitaliste avec des candidats contestataires, du mouvement social et des quartiers populaires. L’objectif est d’avoir des élus (entre 2 et 6, selon le score du deuxième tour). On veut notre place légitime dans le parlement bordelais. »

Si du moins le second tour est maintenu a rappelé Philippe Poutou, soulignant qu’un confinement pourrait entraîner son report, et potentiellement l’annulation du premier tour. Autre petite déception pour l’ancien ouvrier de Ford Blanquefort : il n’est pas être parvenu à devancer le candidat « macronien », Thomas Cazenave.

Cazenave pris en étau

Ses 12,69% risquent d’être durs à digérer pour l’ex directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, qui partait avec de grandes ambitions dans une ville qui semblait gagnable pour En Marche. 

« Les premiers résultats ne sont pas à la hauteur de ce que j’espérais, a-t-il concédé. Je dois désormais discuter avec l’ensemble de la liste Renouveau Bordeaux pour analyser les résultats et l’abstention pour prendre position sur le second tour. L’important est désormais de faire vivre notre projet avec aussi l’idée d’un ancrage local. C’est important pour convaincre davantage. »

Investi par La République en marche, Thomas Cazenave pourrait aussi se voir intimer par Paris – le Premier ministre Edouard Philippe est rappelons-le un proche d’Alain Juppé – l’ordre de se désister (ce qui signifierait renoncer à des élus) ou de rallier Nicolas Florian. Compliqué pour un candidat qui a beaucoup fait campagne contre l’équipe sortante et a encore insisté ce dimanche soir sur la nécessaire « transition écologique », une « attente très forte des Bordelaises et Bordelais ».

« Il y a une dissonance entre l’équipe de Cazenave, plutôt de centre-gauche et l‘électorat d’En Marche plus Florian-compatible, analyse le politologue Jean Petaux. Les tensions avec l’équipe sortante pourraient empêcher toute probabilité de rapprochement entre les deux tours. Il serait presque plus susceptible de s’allier avec Pierre Hurmic mais si celui-ci veut faire éclater sa liste, c’est la meilleure manière de le faire. Ce serait un casus belli » pour la frange la plus à gauche de Bordeaux Respire !.

Au dessus de la mêlée

L’équipe de Renouveau Bordeaux devrait s’exprimer ce lundi. De son côté, Pierre Hurmic a rappelé qu’il « détestait les accords d’appareils » :

« Je n’en ai jamais fait de ma vie donc ne me demandez pas d’en faire. Nous prendrons une décision collective sur la meilleure façon d’aborder ce second tour. »

L’un des éléments clé sera sans doute de rappeler aux électeurs qui se sont abstenu ou ceux qui ont voté Philippe Poutou que la gauche n’a jamais été aussi près depuis 80 ans d’être majoritaire au Palais Rohan.

Quant à Nicolas Florian, il a tenu à se situer au dessus de la mêlée, et à reprendre le costume d’un maire face à une crise sanitaire :

« Dès demain je m’emploierai à faire face à cette crise. Je ne serai pas dans une situation de campagne électorale, mais dans celle de gérer la ville (…). Je ne sais pas si un second tour aura lieu dans des conditions normales, nous sommes en attente d’instructions. »

S’en remettant « à la décision de l’État et à l’avis éclairé des scientifiques et des médecins », le maire a invité ses concitoyens à « ne pas céder à la panique en dévalisant les rayons de supermarché – il n’y a pas de risque de pénurie ». A contrario, il a appelé à la responsabilité les Bordelaises et Bordelais, et à respecter les barrières pour éviter la propagation du virus – proscrire les contacts et les rassemblements de plus de 15 à 20 personnes, comme les attroupements vus ce dimanche sur les quais et autour du miroir d’eau.

Le candidat de Bordeaux Respire ! a aussi dit sa « tristesse au vu de la situation sanitaire de notre pays » , et remercié « tous les fonctionnaires et bénévoles de la ville qui ont agi dans des conditions difficiles. » La suite risque de l’être tout autant.


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