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Entre Covid-19 et 5G, un conseil municipal de Bordeaux électrique

Le jour de l’attribution des fréquences de la 5G, le conseil municipal de Bordeaux a adopté ce mardi un vœu réclamant une étude d’impact et un grand débat avant déploiement de cette technologie. L’épidémie et la sécurité auront également monopolisé une grande partie des débats, particulièrement vifs.

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Entre Covid-19 et 5G, un conseil municipal de Bordeaux électrique

Pierre Hurmic croit bien tenir son premier vote à l’unanimité, et un vrai moment de concorde, lorsque vers 18h, Nicolas Florian propose le soutien de son groupe au vœu présenté sur la 5G, à condition qu’il soit expurgé du terme moratoire. La majorité municipale souhaite par là « interpeller le président de la République au sujet du déploiement de cette technologie, dont les enchères pour l’attribution des fréquences sont lancées à compter de ce mardi 29 septembre ».

Delphine Jamet, adjointe au maire en charge de l’administration, rappelait peu avant à Nicolas Florian que les écologistes bordelais ont « mis très tôt sur la table la question de la 5G, demandant un débat avant l’expérimentation qui n’est jamais arrivée ni au niveau local ni au niveau national » :

« Vous m’avez dit “je suis contre la régression sociale”. C’est ce qu’a répondu Macron en traitant les écologistes d’amish. J’inverserai la chose : les idéologues, ce n’est pas nous mais ceux qui disent qu’il faut la 5G sans ouvrir le débat et sans étude d’impact. »

« Mauvais signal »

Dans son intervention qui sera ensuite saluée par le maire, Guillaume Chaban-Delmas, s’exprimant au nom de l’opposition de droite, reprend nombre des arguments des écologistes contre la 5G, et estimait qu’un débat local permettrait d’avancer des idées telles que « de sensibiliser les citoyens au coût écologique des terminaux (les téléphones portables), et de favoriser les filières locales de réparation et de recyclage dans le numérique ».

Mais, conclut le jeune conseiller municipal, « une décision unilatérale de moratoire de votre part serait contreproductive, ne règlerait aucun des problèmes soulevés par cette technologie, et envoie un mauvais signal quant à l’attractivité économique de Bordeaux ».

Pierre Hurmic consulte alors les présidents de groupe, et présente quelques minutes plus tard un texte demandant simplement « une étude d’impact préalable de la 5G à haute fréquence, et le lancement d’un grand débat citoyen ». La nouvelle version supprime aussi un passage demandant pour les communes « le droit à la subsidiarité concernant l’application du principe de précaution ».

Couper le cordon ?

Las… Au nom du groupe Renouveau Bordeaux, qui défend la 5G « au nom de l’innovation » et afin d’éviter la saturation de la 4G, Thomas Cazenave annonce que son groupe s’abstiendra :

« On salue votre ouverture, et le fait de renoncer au moratoire au profit d’une étude sur la 5G haute fréquence, ce qui laisse un an ou deux devant nous, le temps à un débat sincère. Mais certain nombre de considérants du texte ne sont plus adaptés. »

Dépité, le maire observe que les marcheurs se refusent à voter un texte trop critique envers Emmanuel Macron. Le vœu rappelle en effet que « le Gouvernement souhaite lancer le démarrage de la 5G sans attendre les conclusions du rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail prévues au printemps prochain ». Ou encore que « le moratoire sur la 5G est l’une des propositions de la convention citoyenne pour le climat, que le Président de la République s’est engagé à étudier ».

Vote du vœu sur la 5G par le conseil municipal de Bordeaux (SB/Rue89 Bordeaux)

Le texte est finalement voté à l’unanimité moins sept abstentions, celles des quatre marcheurs et des trois Bordeaux en luttes, favorables au moratoire mais déçus par la version finale. « Comme si le consensus était la base d’une véritable démocratie », tance Antoine Boudinet.

Il est près de 19h, et Marik Fetouh (Bordeaux Ensemble) déplore que le conseil ait passé près de trois heures sur un simple vœu, alors qu’il reste à discuter de nombreuses délibérations sur laquelle la Ville engage sa responsabilité exécutive. La séance s’achèvera d’ailleurs à près de 22h.

La fermeture des bars, une « mesure dangereuse »

Même sur les questions sanitaires évoquées plus tôt dans la séance, lors d’un point sur la situation de la ville liée au Covid-19, le consensus est introuvable. Les critiques de Pierre Hurmic envers les mesures « brutales » du gouvernement contre la pandémie donnent lieu à de vives polémiques, recoupant là aussi le clivage entre majorités municipale et présidentielle.

« Vous souligniez l’absence de concertation et je voudrais vous renvoyer la pareille, lance Thomas Cazenave. On n’a jamais été associés aux mesures de la mairie et je le regrette un peu. La brutalité est du côté du virus, des malades, des soignants, des morts. Bien sûr c’est difficile pour nous tous, pour les restaurants et les bars. On essaie de se serrer les coudes, et d’éviter les polémique inutiles pour éviter le reconfinement. »

Réplique de Pierre Hurmic :

« Je suis très attaché à la solidarité mais cela n’exclut pas la liberté de parole. Je serai toujours un maire qui se permettra de commenter les décisions de l’Etat jacobin. Celle de la préfète n’est que la déclinaison locale d’un décret national. Le Girondin que je suis, vous le trouverez toujours sur votre route quand le gouvernement prend des mesures qui mériteraient un accord avec les élus et les acteurs économiques. »

« Mais quel aurait été votre positionnement ? », le relance l’ancien candidat marcheur à la mairie.

« Je n’aurait pas puni l’ensemble d’une corporation, répond le maire. J’aurais été plus sévère envers les cafetiers qui ne respectaient pas les distances physique, mais la plupart y sont vigilants. J’ai la conviction que les jeunes sont plus en danger après 22h en se réunissant dans des chambres d’étudiants et des studios, des espaces privés incontrôlés. La fermeture des bars à 22h n’est pas à la hauteur, c’est une mesure que je trouve dangereuse. »

Traverser la rue

Et dont le maire espère toujours une clause de revoyure sous huit jours de la part de la préfecture de la Gironde. « L’arbitraire met en émoi le monde sportif », rappelle aussi Matthieu Hazouard, adjoint aux sports :

« Un enfant scolarisé à l’école Jules Ferry à Caudéran a le droit de traverser la rue pour aller au gymnase en cours d’EPS, mais pas de le faire à 17h pour aller pratiquer le volley. Comment voulez-vous que ce soit compréhensible par nos concitoyens alors que nous mettons tout en œuvre pour que les conditions sanitaires soient réunies ? »

Cependant, Nicolas Florian affirme vivre « assez mal le fait que notre 1er magistrat aille de concert avec les élus de France et de Navarre critiquer des décisions qui n’ont pour seul objet que de protéger la santé publique ». Le prédécesseur de Pierre Hurmic conseille à ce dernier de « faire attention aux mots » pour ne pas inspirer « des gens qui seraient tentés de se rebeller, via le non port du masque ».

Puis dans une longue énumération qui lui vaudra d’être ramené à l’ordre sur son temps de parole, il cite les suggestions faites par les écologistes pendant le confinement, demandant à la nouvelle majorité lesquelles sont aujourd’hui appliquées, non sans rappeler au passage son bilan.

« Cessez d’être nostalgique de ce que vous avez fait, une majorité de Bordelaises et de Bordelais a tranché, répond Pierre Hurmic. Vous êtes en conquête pour 2026, cela ne m’a pas échappé, mais vous serez malheureux si vous rappelez jusque là comme c’était mieux avant, et je ne veux pas votre malheur ».

Ton bravache

Et l’édile de juger « particulièrement gonflé » Nicolas Florian, qui avait souhaité une réunion des présidents de groupe la veille et n’a « pas eu la correction d’y venir » car il tenait au même moment sa conférence de presse. L’ancien maire fera par la suite amende honorable pour cette omission.

Comme s’il avait aussi hérité d’Alain Juppé quelques travers, dont les tacles à la carotide, Pierre Hurmic doit à son tour retirer des propos – « merci pour cette intervention indispensable » – tenus à l’endroit de Anne Fahmy (LREM). Celle-ci voulait signaler que les élus Renouveau Bordeaux étaient « des représentants des Bordelaises et des Bordelais, pas du gouvernement ».

« Je trouve très désagréable l’électricité ambiante, remarque par la suite Catherine Fabre, conseillère municipale et députée LREM. On parle de Covid, de sécurité, et nos échanges avec un ton bravache ne sont pas à la hauteur, ce serait bien de collaborer. »

Car même sur la sécurité, objet d’un état des lieux et d’un point sur les priorités de la majorité, le débat a été véhément. Le constat de hausse de la délinquance – de 30% depuis 2012, et jusqu’à plus 200% pour les viols et agressions sexuelles, selon des chiffres présentés par l’adjoint Amine Smihi – fait pourtant consensus, comme les moyens d’y faire face – recrutement de policiers municipaux, demande d’une compagnie de CRS à Bordeaux (qui va prochainement en partager une avec Nantes), groupe local de traitement de la délinquance

Mais l’armement des agents municipaux fait notamment polémique. Nicolas Florian reproche à la majorité d’enterrer ce débat, alors que la police municipale bordelaise est selon lui favorable à cette idée.

« Perdez l’habitude de nous reprocher de pas avoir fait en 3 mois ce que vous n’avez pas fait en 6 ans, j’ai même envie de dire en 25 ans », s’agace Pierre Hurmic.

Délinquance des riches

Adjointe au logement et vice-présidente de la Gironde en charge de l’aide à l’enfance, Emmanuelle Ajon s’emporte quant à elle contre « l’amalgame dangereux » d’Aziz Skalli (LREM) entre délinquants et « mineurs non accompagnés ou mal accompagnés » – une centaine de ces jeunes étrangers sont en effet dans le collimateur des forces de l’ordre, pour 1500 MNA accueillis par le département.

« Vous jetez de l’huile sur le feu, et cela entraine le rejet de cette population alors que la plupart des MNA vont très bien et sont insérés. Et nous ne trouvons pas de lieu pour les accueillir. »

Philippe Poutou (Bordeaux en luttes) dénote dans ce débat sur la sécurité :

« Nous pensons que le traitement de la délinquance doit être social. Il faut faire le lien entre délinquance et catastrophe économique et sociale, ce qui ne veut pas dire que ce lien est automatique. Mais plus une société écrase et humilie les gens, plus il y a de violence. Plutôt que des groupes de traitement de la délinquance, pourquoi pas des groupes de traitement contre la précarité ? Et pourquoi on ne parle pas de la délinquance des riches comme Ford, Magna ou Carrefour qui licencient, ou les utilisateurs de pesticides ? »

Pierre Hurmic promet d’apporter une « réponse équilibrée » entre répression et prévention, et que sa « volonté de faire de Bordeaux une ville plus conviviale sera le meilleur rempart contre un certain type de délinquance ». En matière de convivialité, les élus vont avoir un peu de boulot avant de donner l’exemple…


#les amish de mes amish

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