Voté en juillet dernier par le parlement via un amendement de l’ex sénatrice (LREM) Françoise Cartron, un fonds de 7 millions d’euros abondé par l’Etat, et représentant 70 % de la valeur vénale d’origine du bien, sera partagé entre les 75 propriétaires des 78 appartements du Signal. Cet immeuble de Soulac-sur-Mer a été interdit d’occupation le 24 janvier 2014 car l’érosion du trait de côte menaçait sa stabilité.
« Nous sommes extrêmement contents qu’on arrive au bout de notre sale affaire », a réagi José Guichet, président du conseil syndical des copropriétaires, remerciant au passage les parlementaires impliqués, dont la sénatrice et Benoît Simian. « Des choses comme celle du Signal ne devraient plus arriver aujourd’hui avec tous les experts que nous avons. Nous avons parlé avec notre cas des premiers réfugiés climatiques, il va désormais falloir veiller aux implantations » sur le littoral.
Les indemnités, qui devraient représenter plusieurs dizaines de milliers d’euros par propriétaire, pourraient être versées à partir de mars 2021 à ceux qui en feront la demande avant le 31 décembre 2021. A deux conditions : la renonciation de leur part à toute demande indemnitaire, objet de huit contentieux en cours, et le transfert de la propriété de l’immeuble pour un euro symbolique à la communauté de communes Médoc-Atlantique.
Symbole de l’érosion
Cette dernière s’engage pour sa part à démolir l’immeuble préalablement désamianté, et à réaliser un projet d’aménagement d’ensemble de renaturation du littoral. Une promenade donnant une plus grande place aux piétons et cyclistes est par ailleurs en cours de réalisation sur le front de mer, entre l’ancienne résidence et le centre-ville.
« Tous les clignotants sont au vert pour l’épilogue d’un mauvais feuilleton, s’est réjoui ce vendredi Xavier Pintat, maire de Soulac et président de l’intercommunalité. Je comprends le préjudice moral et financier des copropriétaires, et leur désarroi. C’était aussi pour nous Soulacais un paradoxe et une souffrance que notre commune, qui dispose d’une des plus belles plages de la côté Atlantique, soit devenue un symbole de l’érosion. »
La préfète de la Gironde rappelle que « l’indemnisation des biens soumis au risque d’érosion littorale des côtes sableuses n’est pas possible en France, s’agissant d’un risque prévisible, certain, progressif et irrémédiable ». Il fallait donc une base légale, apportée par cet amendement à la troisième loi de finances rectificative pour 2019, mais qui ne soit pas susceptible de faire jurisprudence, selon son auteur François Cartrons :
« L’Etat craignait par cette indemnisation d’ouvrir une porte dont on ne connaitrait pas les limites. Pendant un an, les services des ministères ont examiné s’il existait des cas similaires au Signal, cumulant toutes les aberrations sur ce sujet. L’indemnisation a été validée car ce n’était pas le cas. »
« C’est un dossier exceptionnel et qui devrait le rester », résume la préfète Fabienne Buccio. Elle avait tenu malgré le contexte sanitaire à réunir ses protagonistes ce vendredi à Bordeaux afin d’ »être ensemble pour ce moment essentiel qu’on appelait de nos vœux depuis longtemps ».
Effondrement
L’Etat était à la fois signataire du permis de construire du Signal, puis de son expropriation après les tempêtes de janvier 2014, les copropriétaires lui réclamaient des compensations financières plus importantes que celles initalement proposées. Pour avoir droit au fonds Barnier, ils ont mené une longue guérilla judiciaire visant à faire reconnaitre l’érosion comme une catastrophe naturelle.
Avec le recul constant du trait de côte sur le littoral aquitain, spectaculairement illustrée cette semaine par l’effondrement d’une partie de la corniche basque, et qui devrait s’amplifier avec le réchauffement climatique, la question de l’évacuation des biens menacés par la montée des eaux, et des responsabilités qui en découlent, va se poser de façon toujours plus pressante.
« Le gouvernement voulait inclure l’indemnisation des propriétaires du Signal dans une grande loi littoral traitant ce sujet, souligne Françoise Cartron. J’y étais opposée car on serait sinon repartis pour des années d’attente. Mais il faut bien une loi permettant de limiter les dérives, en obligeant par exemple d’intégrer le risque d’érosion dans les procédures de ventes de biens par les notaires. »
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