Aux portes de Bordeaux, un projet dénommé Horizeo donne une bien étrange vision des perspectives qui nous sont promises. La plus grande centrale photovoltaïque d’Europe pourrait alimenter en électricité 600000 personnes, mais aussi un data center tournant à de l’énergie renouvelable, ou encore produire de l’hydrogène qui servira de carburant alternatif à nos véhicules.
Les promoteurs de cette infrastructure, au premier rang desquels Engie, la jurent donc 100% écolo. Sauf qu’elle nécessitera de couper 1000 hectares de forêt des Landes de Gascogne… Qu’importe alors l’importance des arbres dans la biodiversité ou la régulation du climat, pourvu que dure le business as usual : aux entreprises les profits, aux citoyens un mode de vie inchangé, avec l’énergie solaire pour regarder des séries en streaming et faire le plein du SUV.
Si le parc photovoltaïque de Saucats est de loin le plus important, c’est loin d’être le seul projet dans les zones forestière de Gironde et des Landes. Notre enquête, premier volet de ce nouveau dossier de Rue89 Bordeaux, décrypte les mécanismes à l’œuvre dans cette tendance si paradoxale, et qui suscite l’opposition des mouvements écologistes, pourtant favorables par principe aux énergies renouvelables.
Délétères à terre
Mais le capitalisme vert n’est pas synonyme d’écologie. Troquer le pétrole pour des renouvelables « propres » ne risque pas de nous faire atterrir, comme dit Bruno Latour, c’est à dire de nous interpeller sur les conditions sociales et matérielles de nos existences – il faudrait rappelons-le 2,79 planètes si tous les humains consommaient autant qu’un Français. Que l’électricité qui les fasse fonctionner provienne du Blayais ou de Saucats, les téléphones resteront pour l’essentiel produits en Chine, peut-être grâce au travail forcé, pour que le coût soit le moins élevé possible.
Cette pression sur les prix a des effets particulièrement délétères dans certains secteurs, en particulier l’alimentation. D’un côté, l’agro-industrie inonde les rayons de malbouffe en cause dans l’explosion de nombreuses maladies ; de l’autre elle contribue à vider les campagnes de ses paysans qui ne peuvent plus vivre de leur travail.
Dans la métropole bordelaise, des associations et des petites entreprises tentent donc de proposer aux familles les plus modestes des produits bio et locaux à bas prix, et ainsi offrir des débouchés à des agriculteurs locaux. Ce sera l’objet d’un prochain article de ce dossier. Mais nous verrons aussi pourquoi le soutien aux jeunes qui souhaitent s’installer en Gironde est défaillant, malgré les beaux discours sur l’autonomie alimentaire et les circuits courts qui ont fleuri pendant la crise sanitaire.
La transition écologique suppose des investissements humains et financiers gigantesques qui malgré les effets d’annonce du plan de relance, sont loin d’être au rendez-vous. Nous montrerons comment cela ralentit ou handicape certaines politiques locales, notamment sur les transports, à l’instar du dossier de RER métropolitain.
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