Le métro relierait Lormont, et le parking de la Buttinière, à la gare de Pessac, en passant sur la rive droite par la gare de Cenon, Bastide Niel et l’Arena. Il franchirait alors la Garonne – en souterrain ou possiblement par le pont Simone-Veil, pour desservir les quartiers d’Euratlantique, la gare Saint-Jean. Puis il se dirigerait vers Mériadeck et la Cité administrative, avant de bifurquer au sud vers le CHU et le campus, via le stade Chaban-Delmas et la Médoquine.
Des cinq corridors étudiés par le cabinet Artelia, auquel Bordeaux Métropole a demandé de plancher sur la création d’un métro à Bordeaux, ce scénario en zig zag, d’une vingtaine de kilomètres, est celui « qui coche toutes les cases et a été plébiscité par le comité de pilotage » du projet, a indiqué ce mardi Karine Mabillon, directrice générale des mobilités, lors d’un point presse sur la première phase de cette étude.
Il relie en effet les deux rives et dessert la plupart des grandes opérations urbaines où sont attendus des dizaines de milliers de nouveaux habitants et d’emplois dans les années à venir, et qui n’ont pas de projet de tramway dans les tuyaux.
Prévenir la saturation
Outre les difficultés de circulation dans la métropole, c’est son évolution démographique, dont le dynamisme ne se dément pas, qui a poussé la collectivité à relancer une étude de faisabilité du métro, en retenant une croissance de la population de 1,25% par an jusqu’en 2040, soit 10000 personnes chaque année. A ce rythme, la métropole sera millionnaire en 2038, et ses transports en commun pourraient être saturés.
« Le million, on y est déjà dans l’aire urbaine, rappelle Clément Rossignol-Puech, vice-président en charge des mobilités. Bordeaux est attractive, et notre réseau de transports en commun est un des plus dynamiques. Mais comme il y a beaucoup d’habitants supplémentaires, cela ne se voit pas forcément en termes de congestion. Y aura-t-il donc besoin d‘un mode lourd comme le métro pour la mobilité après 2030, quand on verra les effets de nos politiques en cours ? Il fallait une étude sérieuse pour trancher, or la dernière en date remonte 1992. »
Le maire écologiste de Bègles préfère ne pas prendre en compte celle commanditée en 2019 à « un brillant stagiaire de Polytechnique », et à laquelle la métropole n’avait pas donné suite. Et si la majorité actuelle, qui n’était pas la plus chaude partisane du métro, a finalement lancé ces travaux, il prévient que « cela ne préjuge pas de la décision politique de lancer un projet qui pourrait s’élever à 3 milliards d’euros ».
130 millions d’euros par kilomètre
Ce montant se fonde sur les 130 millions d’euros du kilomètre pour la ligne en cours de construction à Toulouse, et dans l’hypothèse où la ligne unique qui serait bâtie à Bordeaux ferait une vingtaine de kilomètres à Bordeaux. C’est donc beaucoup plus que le milliard d’euros envisagé par la métropole, ou que les 2 milliards estimés par Métro de Bordeaux, l’association qui milite pour la création d’une ligne.
« Il faudra énormément de fréquentation pour justifier un tel investissement », prévient Karine Mabillon.
Les préalables indispensables à la création d’un métro sont donc la desserte des nouveaux quartiers, et les « grands pourvoyeurs de mobilité » que sont le centre-ville de Bordeaux, « destination privilégiée d’une majorité de voyageurs », et ses pôles administratifs, les gares, hôpitaux et universités.
Cette infrastructure, capacitaire et deux à trois fois plus rapide qu’un tram, devrait en outre contribuer à désaturer la ligne A, quotidiennement empruntée par 100000 voyageurs. Si un métro est réalisé, l’objectif est qu’il puisse transporter chaque jour 200000 personnes… sans vider les trams et les bus. D’où l’impératif fixé à Artelia d’envisager une infrastructure limitée à l’intrarocade, qui emprunterait ainsi les secteurs les plus denses de l’agglomération, tout en étant connectée à ces extrémités au périphérique bordelais pour inciter les automobilistes au report modal.
Chacun son couloir
Les quatre élus du comité de pilotage – Christine Bost, présidente de Bordeaux Métropole, Emmanuel Sallaberry, conseiller métropolitain délégué au suivi de l’étude de faisabilité du métro, Clément Rossignol-Puech, et Claude Mellier, vice-présidente en charge des infrastructures de transport – arbitreront d’ici la fin 2024 entre ce corridor 3bis et le corridor 2, qui a également retenu leur attention. Ce dernier, au lieu de remonter vers Mériadeck et le CHU, desservirait le sud de la métropole, via la gare de Bègles, avant de rallier le pôle universitaire.
Variantes de ces corridors, deux autres hypothèses sont désormais hors course. Claude Mellier estime qu’il « faudrait continuer à réfléchir » sur un troisième, qui desservirait les boulevards puis le nord de l’agglomération (Bassins à flots, stade Matmut, Jallère…), des secteurs « appelés à être renouvelés » dans les années à venir, selon l’élue communiste.
« Si nous choisirons entre les corridors 2 et 3bis, cela n’exclut pas de conserver beaucoup de choses des autres scénarios, souligne Emmanuel Sallaberry. Dans un premier temps nous allons isoler deux tracés afin de restreindre le champ des études. La phase 2, qui nous occupera jusqu’à la fin de l’année 2024, nous permettra d’aller plus loin et d’analyser la pertinence de ces tracés, avec une estimation financière et socio-économique pour déterminer le meilleur tracé. »
Décision en 2025
En 2025, une troisième et dernière phase de l’étude auscultera les avantages et les inconvénients d’un tracé, dont ses caractéristiques techniques – profondeur des tunnels souterrains, lieux de passage des parties aériennes, nombre de stations (qui devrait être limité à 15 ou 20, pour garantir la vitesse de la desserte)…
« Un des enjeux sera de vérifier la faisabilité des émergences, notamment les stations qui exigent beaucoup de foncier, or nous en avons peu de disponible dans la métropole, mais aussi les aérations des lignes », précise Karine Mabillon.
L’étude précisera ainsi les coûts, qui restent un frein majeur à ce projet voulu par Jacques Chaban-Delmas, l’ancien maire de Bordeaux, et écarté en 1995 par son successeur Alain Juppé au profit du tramway.
« 3 milliards d’euros, c’est l’équivalent de tous les budgets mobilité, investissement et fonctionnement, pour tout un mandat, souligne Christine Bost. A titre personnel je trouve que ce serait formidable d’avoir un métro sur Bordeaux. Mais il nous appartiendra d’examiner point par point la faisabilité et la soutenabilité financière, car si on se lance dans un tel projet on ne pourra rien faire d’autre « .
Un sujet de campagne ?
Prudente, la présidente socialise rappelle d’ailleurs qu’il conviendra avant toute chose d’évaluer les effets du schéma des mobilités, et notamment la création des 6 lignes de bus express, dont les deux premières seront lancées cette année, ou encore celle du RER métropolitain. Selon Clément Rossignol-Puech, devront aussi être pris en compte le bilan carbone « à la construction comme à l’exploitation », ou encore les risques potentiels.
« Quand on parle de métro aux habitants, ce qu’ils évoquent d’abord, c’est la menace d’effondrement de leurs échoppes ! Et c’est vrai que les sols sont fragiles à Bordeaux. La pérennité des bâtiments en surface est un sujet qu’on va demander au bureau d’étude de regarder de façon précise. »
Pas tout à fait sur la même ligne, Emmanuel Sallaberry, maire (divers droite) de Talence, considère que l’étude permettra de démontrer la faisabilité technique du métro « sans aucun dogme » et « de tordre le cou aux idées reçues » sur ce « transport décarboné, propre et durable ». Si Bordeaux Métropole enterre à nouveau cette option en 2025, elle deviendra sans doute un sujet de campagne l’année suivante.
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