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Quels transports pour sortir les périurbains du tunnel auto à Bordeaux ?

Trois ans après l’adoption de sa charte des mobilités, 6 mois suite au lancement de son plan d’urgence pour les transports, Bordeaux Métropole s’est livré ce lundi à un exercice d’évaluation des progrès réalisés et des chantiers en cours, notamment le projet de RER métropolitain. Si la tendance est au satisfecit grâce à l’augmentation du trafic de TBM, du vélo ou à la baisse de la congestion, la situation des périurbains, illustrée par les mouvements des gilets jaunes contre la hausse des prix du carburant, inquiète.

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Quels transports pour sortir les périurbains du tunnel auto à Bordeaux ?

Des drones, des téléphériques, « pourquoi pas » un métro (dixit Alain Juppé)… A l’avenir, Bordeaux Métropole ne s’interdit rien en matière de mobilité.

« Peut-être qu’on n’a pas assez intégré la diversification de l’offre et qu’on s’est trop concentré sur le tram » ces dernières années estime ce lundi le président de la métropole.

Or le tram ne peut pas aller partout, convient Alain Juppé lors d’un séminaire bilan à trois ans de la Charte des mobilités de l’agglomération, sous le pilotage de l’a’urba :

« S’être limité au périmètre de la CUB (communauté urbaine de Bordeaux) et de la métropole, quand on se rend compte que les problèmes se posent au niveau du bassin de mobilité. »

Tour de pendulaire

« Notre difficulté n’est pas dans Bordeaux », martèle son maire, même si les principaux projets en cours de la métropole (ligne D du tramway, transport en site propre jusqu’à Gradignan, bus à haut niveau de service Bassens – Campus) s’arrêtent bien sûr à ses frontières.

« Le problème, c’est de venir de 25 kilomètres de Bordeaux quand on est sur la route de Lacanau ou d’autres secteurs » qui ne peuvent être desservis par les trams et les bus, poursuit Alain Juppé.

Pour ces « pendulaires » si dépendants de la voiture, et qui devraient nourrir les rangs des « gilets jaunes » ce samedi, Alain Juppé souhaite notamment expérimenter des cars express. Ceux-ci pourraient si besoin circuler sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute, et démarrer avec une ligne entre Libourne et le parc-relais de la Buttinière, via l’A89.

Sa mise en œuvre devrait incomber au tout nouveau syndicat mixte des transports de la région, baptisé Nouvelle-Aquitaine Mobilités, qui fédère les diverses autorités organisatrices de transports. C’est cet organisme qui pourrait également piloter le « métropolitrain », ce RER de l’agglomération bordelaise que beaucoup attendent de pied ferme.

« Peut-être ai-je pris conscience un peu tardivement de la nécessité de relancer le chemin de fer de ceinture, confesse encore Alain Juppé. L’offre ferroviaire n’est pas à la hauteur de nos besoins. »

Entrain

Ce lundi à l’hôtel de métropole, Philippe Bru, directeur régional de la SNCF, vante pourtant les atouts du train dans l’agglo :

« Nous avons 16 gares dans la métropole bordelaise (plus deux actuellement inexploitées, la Médoquine à Talence et Sainte-Germaine au Bouscat, NDLR) et des temps de trajet imbattable (4 minutes entre Bordeaux  Saint-Jean et Cenon, 13 minutes entre Pessac et Bruges…). La difficulté, c’est que notre offre TER n’est pas assez connue. »

Et insuffisante, complète aussitôt Alain Juppé :

« Il est nécessaire d’avoir des fréquences régulières. Or dans certaines gares, comme celles de la presqu’île d’Ambès, il n’y pas de passagers car il n’y a pas de trains ! »

En gare d’Arcachon (SB/Rue89 Bordeaux)

Ainsi, le TER ne représente dans l’agglomération que 12 000 montées et descentes par jour (20% du total des TER de la Nouvelle-Aquitaine), contre 410 000 voyages sur le réseau TBM (tramways et bus de la Métropole), et 200 000 passages sur la rocade. Rendre attractif ces lignes nécessiterait de proposer un cadencement tous les quart d’heure ou 20 minutes.

Saint-Jean, tout le monde descend

Autre problème souligné par Gérard Chausset, élu métropolitain présidant la commission transport, et l’ingénieur Benjamin Ulm dans une étude sur le sujet : tous ces TER ont aujourd’hui Bordeaux pour terminus, ce qui contribue à la saturation de la gare Saint-Jean, et oblige les voyageurs à multiplier les correspondances.

L’adjoint au maire de Mérignac propose donc de « shunter » Saint-Jean, avec de nouvelles liaisons directes nouvelles liaisons directes aux « temps de parcours pertinents : Cenon/Pessac en 12 mn, Ambarès/Talence en 20 mn, Carbon Blanc/Bègles en 16 mn »…

Cela pourrait se faire sans nouvelle infrastructure, ce qui ne veut pas dire de nouveaux investissements, au contraire : la remise en état des voies couterait sans doute une bonne partie du 1,2 milliard d’euros nécessaire pour maintenir à niveau le réseau régional.

La réouverture de la ligne Blaye-Bordeaux, fermée depuis 2004 entre la sous-préfecture et Saint-Mariens, est par exemple estimée à 25 millions d’euros par les associations locales qui la demandent. Soit, soulignent-elles, l’équivalent d’un kilomètre de tram à Bordeaux, permettant de rester au garage à une partie des 15000 voitures faisant chaque jour le trajet entre Blaye et la métropole.

Covoiturage, Ô désespoir

Des voitures avec souvent une seule personne à bord, comme c’est le cas de 9 véhicules sur 10 empruntant la rocade. Pourtant soulevée par le Grenelle des mobilités, la charte qui en est issue n’a pas retenu l’idée d’une voie réservée aux covoitureurs lors du passage à 2×3 voies du périph’ bordelais.

Depuis plus d’un an, la métropole expérimente un couloir réservé aux covoitureurs sur l’avenue Marcel-Dassault à Mérignac – un test aux résultats mitigés, d’après le Cerema, car mené sur un tronçon très modeste (seulement 1200 mètres), peu propice à des gains de temps très significatif en cas de bouchon.

Outre des actions d’incitation (Boogi, le bonus mobilité…), la collectivité réfléchit aujourd’hui à créer des voies réservées au covoiturage sur les accès à la rocade et aux autoroutes, notamment l’A10. Mais cela nécessitera l’aval de l’État, que la métropole attend désespérément pour d’autres initiatives qu’elle souhaite mener, notamment les péages ou les interdictions de circulation aux poids-lourds en transit sur la rocade.

Le couloir de bus de l’avenue Marcel-Dassault est ouvert aux covoitureurs (SB/Rue89 Bordeaux)

Bons plans

Les deux institutions – la métropole et la préfecture – ont au moins promis de s’entendre pour donner l’exemple, en lançant prochainement un plan de déplacement inter-administrations à l’échelle de Mériadeck, où se trouvent également le département, la région et le rectorat. 15000 salariés pourraient alors être correctement incités à lâcher leur voiture, covoiturer, télétravailler… Comme cela a été fait ailleurs pour d’autres plans d’entreprises (au CHU) ou inter-entreprises (au niveau de l’Aéroparc ou de la place de la Bourse, autour de la CCI).

Peu de critiques se sont fait entendre lors de cette journée consacrée au bilan de la Charte des mobilités, où les élus métropolitains se sont satisfaits du travail accompli, sans trop être bousculés par les représentants de la « société civile ».

« Petit bras »

Un coup de poing sur la table est toutefois venu de la propre majorité d’Alain Juppé, par la voix de Michel Duchène. Le vice-président de Bordeaux métropole en charge des grands projets d’aménagement urbain a mis en garde ses camarades :

« Nous allons avoir (ce samedi 17 novembre, NDLR) une manifestation majeure des gilets jaunes, qui va avoir un impact terrible au moment ou nous nous rapprochons des élections. Nous, on est bien au chaud, on se connaît tous, mais on est petit bras. Ce que nous faisons n’est pas aux dimensions de la crise écologique (…). On s’auto-congratule mais la voiture qui avait perdu du terrain est en train de reprendre toute sa place dans notre agglomération à cause de la croissance démographique. Même si un certain nombre de maires sont tétanisés par leur réélection, il est peut-être temps de dire à la population qu’on ne peut pas continuer comme ça. »

L’élu bordelais fustige ainsi les élus qui refusent la densification urbaine, synonyme d’étalement urbain et d’utilisation accrue de la voiture. Et alors que 23 ONG ont lancé un appel pour soutenir la fiscalité écologique, Michel Duchène estime qu’il faudra « prendre des mesures impopulaires et contraignantes » pour éviter la catastrophe climatique :

« On laisse croire aux gens que les infrastructures vont nous sauver alors qu’il faut changer de culture, de comportements. Il va falloir être plus volontaire pour réduire la place la voiture. Un acte symbolique comme la fermeture du pont de pierre a permis d’encourager les modes doux et de faire disparaître une partie du flux automobile. Je ne suis pas contre un péage urbain, à condition qu’il ait une dimension sociale, qu’il varie en fonction des revenus et ne réserve pas la ville aux plus riches. »

Péages ou grand contournement

Dans cet esprit, l’adjoint d’Alain Juppé regrette que ce dernier repousse l’instauration d’une zone de circulation restreinte (ou zone à faible émission, ZFE) – « On est prêt, on pourrait la faire demain », assure l’élu.

« Les ZFE ? Elles progressent », répond laconiquement Alain Juppé lorsque la question lui est posée. A 18 mois des municipales, le maire de Bordeaux, pas plus qu’un autre, ne veut se fâcher avec les automobilistes, et rejette aussi l’idée d’un péage urbain (pour les voitures).

Mais s’il défend la hausse de la fiscalité sur les carburants, Alain Juppé continue à soutenir mordicus le grand contournement autoroutier – qu’il avait lui-même remisé au placard de l’Histoire lors du Grenelle de l’environnement, et demande désormais à l’État de le « remettre sur la table ». Le tout devant les responsables de l’a’urba, qui avaient pourtant montré par A+B que le trafic de la rocade étant massivement intra-métropolitain, faire passer la circulation de transit dans le Médoc ou l’Entre-deux-Mers ne changerait pas grand chose à sa congestion.

A suivre : Pourquoi le vélo a conquis Bordeaux, son Far West


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