Ce mardi lors de sa conférence de presse de rentrée, Nicolas Florian a confirmé l’arrêt du projet de la Jallère. Interpellé plusieurs fois à ce sujet par les élus et militants écologistes, le maire de Bordeaux a précisé que cette décision portait sur l’opération d’aménagement urbain visant à créer 2000 logements sur des terrains appartenant aux entreprises de la zone (Gan, CDC), près du lac et du grand stade.
« Mais tout ce qui touche à l’activité économique, génératrice d’emplois, sera sanctuarisé, souligne-t-il. On ne touchera pas à cette capacité (inscrite dans le plan local d’urbanisme, NDLR) à accueillir des activité sur un tiers de la surface du secteur. Les projets de ferme urbaine et de ressourcerie Ikos seront des marqueurs forts à l’échelle municipale, pour être promoteurs d‘une nouvelle façon de vivre. »
A côté du grand stade et du parc des expositions, une concertation sera ouverte pour déterminer l’avenir du site, indique le maire, qui évoque les projets alternatifs de forêt urbaine ou de jardins partagés.
Tout comme le choix du lieu pour ce point presse, la Maison écocitoyenne – rebaptisée L’échoppe pour devenir « la maison de la parole » des Bordelais -, cette décision symbolise « le double objectif » du successeur d’Alain Juppé depuis son investiture le 7 mars : « échanger, débattre et coconstruire », avec une priorité, « l’enjeu écologique ».
Homme troncs
La conviction doit aussi sans doute aux préoccupations manifestées par les Bordelais, tant lors des dernières élections européennes qu’à l’occasion des projets présentés au budget participatif (que le maire compte d’ailleurs renforcer). La canicule est aussi passée par là, conduisant un Thomas Cazenave (LREM) à faire de la végétalisation de Bordeaux le premier grand axe de son programme.
Nicolas Florian estime quant à lui avoir donné des gages en ce sens, en stoppant la Jallère, donc, mais aussi un projet immobilier rue de la Faïencerie « pour en faire un espace de respiration plutôt que 7000m2 de surfaces bâties », ou en lançant son « Plan Canopée ». La mairie de Bordeaux compte planter 3000 arbres par an (contre 1000 aujourd’hui) soit 20 000 arbres d’ici 2025, et développer les ilots de fraîcheur.
« On a été un peu raillés avec les ombrières Pey-Berland (rebaptisée par certains Jardiland, NDLR) mais la place est redevenue un lieu de vie, des personnes restent sur site, pique-niquent, échangent, se félicite l’édile. Nous réfléchissons à l’implantation d’arbres sur ce secteur dès l’année prochaine. »
Il annonce également la création imminente d’un comité de l’arbre, qui devra émettre un avis sur chaque coupe, histoire de prévenir un nouveau psychodrame comme celui de la place Gambetta. Et l’élu souligne les « respirations » créées en ville avec la rénovation de plusieurs places – Nansouty, André-Meunier, place de l’Europe au Grand Parc.
Stat-checking
Les espaces verts étaient, Nicolas Florian ne l’ignore pas, un des points noirs du bilan d’Alain Juppé, critiqué pour son urbanisme massif et minéral. Mais s’il renonce à la Jallère, le maire ne rejoint pas Vincent Feltesse, candidat aux municipales, qui réclame un moratoire sur toutes les opérations d’aménagement tant que les équipements publics ne sont pas à la hauteur.
« Une ville qui ne produit pas de logement meurt, répond Nicolas Florian. Il ne faudrait pas sombrer dans schizophrénie en regrettant de côté que les prix des logements augmentent et de l’autre vouloir tout arrêter. Il n’est pas question de stopper des projets lancés. »
Et en particulier ceux de la rive droite – Brazza, Bastide-Niel ou Garonne-Eiffel -, qui contribuent au « rééquilibrage spatial » de Bordeaux. Conscient qu’il faut maîtriser la croissance démographique, le maire estime cependant que la ville peut atteindre les 300 000 habitants (contre 250000 aujourd’hui) :
« On a déjà été jusqu’à 320 000, la ville est équipée et structurée pour accueillir dans de bonnes conditions. Cela passe par un fort travail sur le renouvellement urbain, comme les projets à la Benauge et aux Aubiers. »
Renseignement pris, la population de Bordeaux intra muros a en fait atteint son maximum en 1921, avec 267 409 habitants – mais c’était avant l’absorption de la commune de Caudéran, en 1965, qui alors comptait 28000 habitants, contre environ 250000 dans la ville centre, qui perdait alors des habitants, en partance pour ses banlieues.
Quoi qu’il en soit, l’ex président de la CUB, Vincent Feltesse a aussitôt critiqué dans un communiqué le « non sens » de cet « objectif » démographique de 300000 habitants, alors que la ville a gagné 35 000 âmes en 25 ans :
« La croissance de ces dernières années s’est faite alors que les infrastructures n’ont pas suivi : saturation des transports collectifs, pénurie d’écoles, manque de piscines, insuffisance des locaux pour les associations… Cette production massive de logements n’a en rien limité la flambée des prix et l’éviction de populations fragiles. Continuer dans la voie du XXL et de la métropolisation à marche forcée ne correspond plus aux défis d’aujourd’hui. »
Virage écolo
Et notamment les défis écologiques… Sur ce dossier, et malgré sa volonté de construire des éoliennes urbaines horizontales ou ferme solaire au lac, Nicolas Florian n’a pas encore pris complètement le train en marche, si on peut dire.
Ce mardi, il en est ainsi resté aux positions très conciliantes d’Alain Juppé vis à vis des automobilistes – « L’interdire la voiture en centre-ville serait un peu jusqu’au-boutiste », estime le maire. Il n’a pas l’intention d’étendre le stationnement payant aux quartiers extra-boulevard, ni a fortiori interdire totalement le stationnement en surface dans l’hyper-centre comme le propose Vincent Feltesse – cela libèrerait pourtant de la place pour les arbres et la circulation des vélos, que la métropole bordelaise entend par ailleurs promouvoir, à l’image de l’autoroute à vélo créée sur une voie de circulation cours du Maréchal Juin, ou de celle envisagée sur les boulevards.
Enfin, et le jour où Greenpeace publie des dernières données alarmantes sur l’empreinte carbone des voitures, Nicolas Florian défend lui aussi le projet de grand contournement de Bordeaux, que le ministère des transports et la métropole remettent sur le tapis. Mais d’ici 2020, la route est encore longue.
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