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Dossier #28 : Les transports de la métropole pilent à l’âge des fossiles

Si l’on veut éviter de revenir au climat des dinosaures, il va falloir changer de braquet. Loin d’en prendre le chemin, les habitants de la métropole restent pour leurs déplacements toujours plus dépendants au pétrole. Les solutions sont pourtant sous la main.

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Dossier #28 : Les transports de la métropole pilent à l’âge des fossiles

+7°C d’ici 2100. Pire encore que le scénario noir du GIEC, voila l’ampleur que pourrait prendre le réchauffement planétaire par rapport à l’ère pré-industrielle si notre modèle de croissance fondée sur les énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz) ne change pas.

C’est l’une des hypothèses des meilleurs climatologues français, dans un rapport présenté ce mardi, et dont même les modèles les plus optimistes font froid dans le dos : pour rester en dessous des 2° de l’accord de Paris, il faudrait réduire immédiatement nos émissions de gaz à effet de serre, et retirer du CO2 de l’atmosphère.

Quand on sait que la France bat déjà des records de chaleur avec un changement limité à 1,2° de plus qu’au XIX° siècle, un climat global plus chaud de 3 ou 4° reste difficile à imaginer. Et pour cause : la planète n’a pas connu une température moyenne flirtant les 19° depuis le temps des dinosaures, il y a 66 millions d’années, soit longtemps avant l’apparition de l’humanité. Celle-ci ne survivra sans doute pas à un tel réchauffement.

Autosolisme

Il n’est pas encore trop tard pour agir, à condition de le faire maintenant et à toutes les échelles. Les solutions sont dans nos mains, y compris au niveau local. Dans la métropole bordelaise, derrière le secteur du bâti résidentiel et tertiaire (pour le chauffage et la clim), les transports sont le deuxième poste le plus émetteur de gaz à effet de serre : ils pèsent 1,2 million de tonnes équivalent CO2 par an, soit le quart des émissions de l’agglomération, dont 61% à mettre au débit de la voiture individuelle.

Aussi, le Plan Climat de la métropole, adopté en 2017, a clairement identifié l’ »autosolisme » comme la cible N°1, avec « deux dynamiques convergentes : favoriser les alternatives (modes doux, transports collectifs, covoiturage, autopartage…) et contraindre l’usage des voitures particulières ».

Sur le premier point, des efforts ont été entrepris, avec le développement du réseau de bus et de tram ou encore le plan vélo. C’est certes à double tranchant : l’entretien du tram absorbe des moyens qui devraient permettre d’assurer une desserte correcte des zones d’activité (l’Aéroparc ne dispose que de deux lignes de bus pour 40000 salariés) ou de logements (rive droite) en plein boom.

Mais s’il reste beaucoup à faire, le diagnostic est connu, des pistes sont lancées (RER métropolitain, plan piéton, plans de mobilité d’entreprises…), des idées sont sur la table (métro, lignes de BHNS…).

Contraintes en carton

En revanche, la métropole et ses 28 communes calent sur la contrainte. La fermeture du pont de pierre aux voitures ou l’extension du stationnement résidentiel payant à Bordeaux ont pourtant démontré que les deux axes étaient complémentaires.

L’enquête déplacement des ménages de la métropole souligne par exemple que 8,5% des habitants des quartiers où le stationnement payant sur voirie a été mis en place abandonnent la voiture et changent de mode de transport. En outre, 20% des automobilistes qui venaient dans ces quartiers en voiture passent soit aux transports en commun (dans 50% des cas), à la marche (20% des reports) et au vélo (20% des reports).

Dans la ligne d’Alain Juppé qui a préféré reculer plutôt que bousculer ses électeurs, le maire de Bordeaux, Nicolas Florian, refuse aujourd’hui d’étendre le stationnement payant au delà des boulevards. Les maires du territoire mènent des politiques non coordonnées sur le sujet, et refusent de confier leur pouvoir de police à la métropole.

Enfin, la zone à faible émission (ZFE), qui pour lutter contre la pollution atmosphérique doit restreindre l’accès à une partie étendue du centre aux seuls véhicules propres, est un projet bien avancé à la métropole, mais promis à rester dans les cartons au moins jusqu’aux municipales.

Gilets jaunes et chiffon rouge

A notre époque encore marquée par le mouvement des Gilets jaunes, oser agiter un chiffon rouge sous le phare des automobilistes apparait comme un non-sens à la plupart des candidats – en attendant que les écolos se lancent, seuls Vincent Feltesse et Bordeaux Maintenant, le mouvement de Matthieu Rouveyre, proposent pour l’instant de réduire la place de la voiture en ville.

L’accessibilité de Bordeaux aux voitures a au contraire été un des fils conducteurs du débat à la CCI (chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux) réunissant ce lundi les principaux décideurs économiques et politiques de la région. Le terme de réchauffement climatique n’a pas été prononcé ; la présentation d’une enquête auprès de 1073 entreprises a surtout mis en avant leurs problèmes de circulation – les automobilistes passent 223 heures par an dans les bouchons à Bordeaux, plus qu’à Mexico ! –  et de stationnement, qui affecteraient la moitié d’entre elles.

Des solutions mises en œuvre par les entreprises vont toutefois pour certaines dans le bon sens (horaires aménagés, plans de déplacement interentreprises…). Et elles réclament avant tout une régulation de la circulation des poids lourds sur la rocade aux heures de pointe, un renforcement de la desserte en transports en commun, ou une sécurisation des pistes cyclables. Le contournement routier de Bordeaux apparait « seulement » prioritaire à 72% des personnes interrogées, derrière l’interconnexion et l’extension des lignes de tram et de bus…

Quoi de neuf, doc ?

Pourtant, telles la DeLorean de Retour vers le futur, deux idées pharaoniques ressurgissent tout droit des années Chaban : creuser une ligne de métro qui ne sortirait pas de Bordeaux, et créer un grand contournement autoroutier à l’est du département pour dévier les camions.

Ces projets enterrés au siècle dernier font aujourd’hui le miel de nos élus, bien qu’ils paraissent selon certains un peu déconnectés des besoins actuels – une bonne desserte de l’ensemble de l’agglomération -, ne verraient pas le jour avant 2030, et s’avère, pour le barreau routier, totalement contradictoire avec l’urgence climatique.

Reste que la route engloutit une bonne partie des ressources locales – pour l’élargissement de la rocade ou les diverses déviations. Et que, comme on construit des tuyaux, ceux-ci se remplissent :  la motorisation des habitants de la métropole et les kilomètres parcourus en voiture continuent d’augmenter, comme le montre le premier article de notre dossier. Nous passerons ensuite au rayon X plusieurs idées avancées pour améliorer la mobilité. Nous verrons à travers des reportages dans l’agglomération quels (non) choix politiques et urbanistiques attisent les difficultés. Enfin, nous vérifierons si on peut lever le pied, car la réduction des vitesses est une vraie promesse.


#dérèglement climatique

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