A Darwin, on connaissait les grands singes, mais ce sont des éléphants socialistes qui, en compagnie de Pierre Hurmic, ont arpenté les lieux ce vendredi. Guidés par Philippe Barre, responsable du site, ils ont pu voir la plateforme d’aide alimentaire aux plus démunis créée pendant le confinement, les tétrodons accueillant réfugiés et SDF, et les jardins potagers considérablement étendus. Alain Rousset plaisante en voyant des oies :
« C’est pour vous prévenir si Gérasimo arrive ? », demande-t-il, en référence aux volatiles du Capitole et au directeur de BMA (Bordeaux Métropole Aménagement).
Cette société en charge de la ZAC Bastide-Niel est en conflit ouvert avec les Darwiniens quant à l’utilisation des espaces communs, et l’occupation de hangars que veut récupérer BMA (lire ci-contre).
Ilot de résistance
« Ces barrières qui entravent Darwin me révoltent de plus en plus », embraye un président de la Région Nouvelle-Aquitaine très remonté :
« Arrêtons de bétonner cette agglomération avec des opérations immobilières qui créeront demain des copropriétés dégradées, s’insurge Alain Rousset. Je ne suis pas contre la promotion immobilière mais il faut reprendre le pouvoir (…) Nous travaillons avec la métropole sur le RER métropolitain mais il faut avoir une réflexion globale. Plus vous allez densifier, plus vous allez avoir des problèmes de circulation. »
Lui aussi au soutien du candidat écologiste – qui compte sur sa liste quelques incontournables du PS local, dont la vice-présidente du conseil départemental, Emmanuelle Ajon, et le conseiller régional Mathieu Hazouard -, Jean-Luc Gleyze, président du département célèbre « les valeurs partagées avec Darwin, qui sont aussi celles de Pierre Hurmic et de son équipe – l’écologie, la solidarité, la coopération ».
« Darwin est un ilot de résistance face au business immobilier, et symbolise la ville de demain », susceptible de conserver activités économiques et agriculture, abonde le candidat vert à la mairie, qui a aussi pour colistier Tanguy Baron, coordinateur des projets de Darwin.
« Tous les espaces naturels ont été bétonnés à Bordeaux, il faut désormais cesser d’ouvrir les friches à la promotion immobilière (…). On peut faire de l’aquaponie, de l’agriculture hors sol adaptée aux sols pollués ».
Esprit girondin
Pierre Hurmic souligne que la métropole bordelaise n’a que trois jours d’autonomie alimentaire devant elle, « si elle s’isolait du reste du monde » :
« La ville doit s’impliquer pour développer la permaculture, nous devons en mettre partout, mais on n’arrivera pas seul à atteindre cet objectif d’autonomie alimentaire, nous travaillerons en commun avec la région et le département. (…) Il faut arrêter la compétition entre les collectivités, et gouverner dans un esprit plus girondin, indépendamment des oukases parisiens. »
Les écologistes critiquent pourtant par ailleurs certaines des positions et politiques des grands élus socialistes, comme le soutien à la navette Bordeaux-Orly par la région, ou la déviation du Taillan-Médoc construite par le département.
« On ne peut pas être d’accord à 100% mais la politique ce n’est pas le pays des Bisounours, on travaillera de concert », répond Pierre Hurmic. Lui maire de Bordeaux assure donc qu’il coopèrerait davantage que le titulaire du poste :
« La Région a monté un fonds de solidarité qu’ont abondé 95% des territoires de Nouvelle-Aquitaine sauf deux villes, Pau et Bordeaux qui avec la métropole a préféré créer son propre fond de 15 millions d’euros. Pourquoi ? Parce que le maire, en campagne électorale, voulait montrer que la Ville se mobilisait. Or seulement 5 millions d’euros ont été dépensés. Il serait plus intelligent de n’avoir qu’un seul guichet, et c’est ce que nous demandent les entreprises : de la lisibilité. »
« Coalition anti-climat »
Le rapprochement Florian-Cazenave ne semble pas décourager l’avocat, au contraire. Ce dernier estime qu’il clarifie le match à trois – face au maire sortant et son « projet très conservateur » et Philippe Poutou. Et il lui donne des arguments contre « des mœurs politiques d’une autre époque », de surcroît « malvenues en terre girondine » :
« L’accord LR-LREM a été imposé par le national dans toutes les grandes villes où il y avait une menace, Lyon, Bordeaux, Strasbourg et Tours. »
Les candidats de ces villes tiendront d’ailleurs la semaine prochaine une conférence de presse contre ces « coalitions anti-climat ». Elles offrent aux écologistes une occasion de dramatiser l’enjeu et de lui donner une dimension nationale, alors que les règles sanitaires limitent les possibilités de mener campagne sur le terrain.
Des voix dans la nature
C’est une façon d’aller chercher l’électorat jeune (moins de 35 ans) qui, selon les analyses menées Bordeaux Respire sur les listes d’émargement, s’est massivement abstenu lors du premier tour.
Mais aussi de convaincre les partisans de Thomas Cazenave déboussolés par son ralliement à Nicolas Florian (et qui selon des enquêtes internes à En marche, représentent une part importante de ses sympathisants), ou encore les électeurs de Philippe Poutou tentés par le vote « utile ».
« Ils ont émis un vote protestataire, déclare Pierre Hurmic à Sud Ouest. Je pense que ce vote peut se transformer en vote protestataire pour gagner. Lui n’a pas envie de gagner, moi je me bats pour ça. Les voix de Poutou et Cazenave sont dans la nature, et comme je suis écolo, je prends ! »
Enfin, l’équipe de Pierre Hurmic s’est employée à mettre à jour son projet. Outre l’état d’urgence climatique et le « zéro artificialisation des sols », les priorités de l’été 2020 incluent un plan piéton et une piste cyclable continue et sécurisée sur toute la longueur des boulevards. Pour 2021, parmi les nouvelles idées, Bordeaux Respire proposera de tester une « sécurité sociale alimentaire » afin de permettre aux plus pauvres de consommer des produits frais, bio et locaux.
Devancé de 96 voix au premier tour, le candidat écologiste a deux semaines pour convaincre une majorité de Bordelais qu’il peut incarner une alternative à la droite aux manettes depuis 75 ans.
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