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Ce qu’on a aimé en 2016 à Bordeaux (et autour)

Mobilisation sociale, saison street art, les Irlandais de l’Euro 2016… Bordeaux a connu des moments inoubliables de toutes sortes pendant l’année qui vient de s’écouler. Pour Rue89 Bordeaux, une émotion particulière : la réussite de notre financement participatif.

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Ce qu’on a aimé en 2016 à Bordeaux (et autour)

Une campagne généreuse !

On la met en haut de la liste ; sans elle, Rue89 Bordeaux ne serait plus là. Grâce à plus de 1000 dons, notre financement participatif a été une réussite. Depuis, votre média s’est paré d’une nouvelle charte graphique, d’un nouveau site internet, de nouveaux outils d’informations – en particulier sur la culture et les rendez-vous citoyens, et d’un nouvel espace abonné pour financer des articles de fonds (si vous n’y êtes pas encore abonnés, allez-y, c’est sur ce lien).

La soirée organisée le 6 octobre, avec le partenariat du Rocher de Palmer, Musiques de nuit et Allez les filles, a été un moment festif inoubliable, grâce notamment aux fabuleux concerts de Las Hermanas Caronni et Alexis Evans Sextet. Vous étiez plus de 400 à partager notre fête.

Mais ce que l’on retiendra le plus, cette campagne a déclenché une dynamique de fond. Nombreux de nos lecteurs se sont mobilisés et ont partagé cet appel. Des artistes nous ont soutenus dans son animation. Des structures nous ont épaulés pour le mener à bien. Un comité des 33 a été créé avec des figures culturelles, économiques, politiques et sociales.

Parallèlement, des événements et des partenariats sont sur le point de germer. Premier rendez-vous : « Sous les pavés, la vigne », un salon des vins naturels, aura lieu les 11 et 12 février aux Vivres de l’Art, en partenariat avec Noriturfu. Plus du 50 vignerons du monde entier vous y attendront. Prenez date ! WS

Juppé, toujours maire de Bordeaux

Le 20 août 2014, Alain Juppé officialisait sa participation à la primaire de la droite et du centre en vue de l’élection présidentielle de 2017. On l’avait mal pris ! Parce qu’en pleine campagne municipale pour la mairie de Bordeaux, il avait soutenu qu’il comptait bien aller jusqu’au bout de son mandat s’il remportait les municipales. Alors, vous pensez, quand il a annoncé ses intentions nationales, une fois élu maire, on a failli s’étouffer.

Certes, depuis 2014, on s’y était fait. Comme tous les Bordelais, on était limite fier de voir notre maire caracoler dans les sondages et montrer son sourire sur toutes les unes des magazines. Pour Les Inrockuptibles, Society, L’Obs et bien d’autres, il était devenu le candidat le plus bankable. Et ça, il faut le dire, nous émoustillait pas mal. Ça nous rendait presque jaloux que le « meilleur d’entre nous », maire des 250 000 Bordelais, président des 750 000 habitants de la Métropole… on allait devoir le partager avec 66 627 602 Français.

Et puis finalement non ! Juppé est écarté de la course à la présidentielle et Bordeaux récupère son maire. La succession peut attendre (parce que, là, maintenant, on n’y voyait pas clair). Tout est bien qui finit bien ? WS

Alain Juppé lors du point presse avant le conseil municipal de Bordeaux (WS/Rue89 Bordeaux)
Alain Juppé reste à Bordeaux (WS/Rue89 Bordeaux)

Loi travail : chaos and creation

On va essayer de ne pas s’apitoyer. La Loi Travail est passée et sera effective dans 2 jours (1er janvier 2017).

Mais le mouvement d’ampleur s’opposant à la loi Travail a été la démonstration d’un esprit créateur. Nuit Debout, organisée partout en France et aussi sur la place de la République de Bordeaux, a ouvert la parole comme jamais ces dernières années. Si le mouvement a certes fini par mourir recroquevillé sur lui-même, il est indispensable de rappeler l’esprit novateur qui a poussé des millions de jeunes lycéens, jusqu’au là loin des questions politiques, à s’impliquer dans les décisions qu’on allait prendre pour eux.

Dans quel autre espace public, des sourds-muets ont pu prendre la parole si souvent et avec tant de facilité ? Dans quelle autre mobilisation, des salariés passaient au micro dire le courage que leur donnait ce rendez-vous avant de se rendre au Prud’hommes voisin où leur affaire était jugée ? Combien de femmes et d’hommes ont pris pour la première fois la parole en public ?

Pour une fois, la politique avait voix au chapitre, aux yeux et aux oreilles de tous : militants ou non, syndiqués ou non. C’est de la même manière que le collectif de lutte rive droite (devenu collectif de lutte 33) a fait feu de tout bois. L’initiative des FO et CGT Transports a rallié des CGT, CNT et Sud, et parfois des non-syndiqués. Pendant des semaines, ils ont enchaîné les blocages économiques.

Autre image de ces nouveaux liens tissés, le rassemblement rouge et vert lors de l’inauguration de la Cité du Vin. Certes, le mélange ne s’est pas totalement fait, mais les deux camps (syndiqués contre la loi Travail et écolos contre les pesticides) ont dépassé des clivages pour se retrouver dans un même cortège dans la rue – entamant même une manif sauvage.

Beaucoup, lors de ces évènements politiques, affirmaient que « ce mouvement allait laisser des traces ». 2017, le confirmera-t-il ? XR

Les victoires citoyennes ou militantes

Les victoires locales n’ont pas manqué, même si on les voit peu ou les oublie vite. La mobilisation contre la ferme des 12000 porcs dans le Sud-Gironde a porté ses fruits. Elle était d’abord portée par les citoyens et la confédération paysanne, avant de rallier le président du département à sa cause. L’extension souhaitée a été retoquée par le préfet.

Dans le quartier Ginko, après l’écroulement de balcons à l’été 2015, et après plusieurs bras de fer, les plans d’indemnisation échafaudés par les habitants ont été entendus. Selon nos sources, les propriétaires parlent d’ « issue positive » dans leurs négociations avec Bouygues Immobilier.

Quelques salariés déterminés (des femmes majoritairement) ont contrarié le malaise qui touche les métiers de santé. A l’Ehpad des Carmes, les Cathy, Manon et leurs collègues avaient ouvert le bal des victoires. Josiane et ses copines de l’Ehpad Terre-Nègre ont ensuite gagné de meilleures conditions de travail et une « équipe solide et solidaire ». Et la direction de la Polyclinique Bordeaux rive droite était tombée sur des salariées déterminées autour de Lourdès et Sandrine.

Il faut se souvenir aussi des mines réjouies de Rajae Gueffar et de Stéphane Lalanne. La première avait été licenciée par l’entreprise de nettoyage Onet pour une faute commise en gare d’Agen. Son cas était passé par le CE de la SNCF à Bordeaux, devenant national avec l’appui du journal Fakir (relayé par nos soins), avant d’être réintégré : pas le même poste, mais salaire équivalent. Le second s’était retrouvé limogé à son retour de congés sans solde à l’usine de la Monnaie de Paris à Pessac. La grève massive de ses collègues et la médiatisation a raisonné la direction qui était revenue sur sa décision.

« Le PDG nous a parlé de votre article. La médiatisation qui était autour de nous a aidé », se félicitait le délégué CGT.

On n’ose pas s’imaginer en porte-bonheur. XR

Cortège en soutien à Stéphane de la Monnaie de Paris (XR/Rue89 Bordeaux)
Cortège en soutien à Stéphane de la Monnaie de Paris (XR/Rue89 Bordeaux)

Le revenu de base n’est pas mort

Non, on ne ressort pas le sujet pour le dépoussiérer. Oui, il était sur la liste de ce qu’on avait aimé en 2015 et tenait difficilement son rang. Bien qu’une motion avait été votée à la Région pour expérimenter le revenu de base, Alain Rousset avait vite plombé l’ambiance avec son : « Je ne me vois pas donner un revenu de base au fils de Bolloré. »

Mais de nouveaux signaux sont au vert. En avril, un comité de pilotage pour l’étude de faisabilité de l’expérimentation d’un revenu de base inconditionnel dans la grande région Nouvelle Aquitaine s’était réuni autour d’une première feuille de route. Menée par Martine Alcorta, conseillère régionale déléguée à l’innovation sociale et sociétale, cette feuille de route devrait présenter une analyse et une restitution des entretiens dans l’objectif de remettre un rapport final pour juin 2017, et déboucher ensuite sur une expérimentation. Pas mal non ? Ce qui nous laisse penser que le sujet va nous occuper encore quelques temps.

L’autre bon signe était carrément la surprise de la rentrée : en septembre, la Gironde annonce vouloir être le premier département français à expérimenter le revenu de base. Son président, Jean-Luc Gleyze, emporté par « l’air du temps », dévoile un partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès, le Centre pour la recherche économique et ses applications et l’Institut des politiques publiques. Il ne cache pas ses réticences pour autant et (syndrome Alain Rousset ?) s’interroge ouvertement sur l’obtention du revenu « par des millionnaires ».

De quoi s’inquiéter encore ? Non. Un mois plus tard, Jean-Luc Gleyze a indiqué que le gouvernement suivait de près la réflexion de la Gironde sur le revenu de base. Le cabinet du Premier ministre, Manuel Valls, qui a récemment déclaré son intérêt pour cette mesure, serait en effet à la recherche d’un territoire volontaire pour son expérimentation, et a contacté le conseil départemental d’ici. Ben voilà ! L’affaire souffle le chaud et le froid, mais on va y arriver. WS

On se bouge la culture !

Apparemment, Bordeaux commence à pousser des coudes sur la scène culturelle nationale. En attendant que les Bordelais, toujours critiques et en demande de plus ou de mieux, valident une « movida » pré-LGV-à-2-heures-de-Paris, les Parisiens eux n’ont pas attendu pour venir voir ce qui se trame de l’autre côté de la ligne. Ainsi, début 2016, Le Monde dépêche son envoyé spécial sur la terre convoitée par les élites de la capitale et gratifie la ville provinciale d’un article au titre bien senti, « Bordeaux débouche la culture » (Ah, ces métaphores vini-viticoles qui nous collent aux groles).

Mais l’intérêt national se confirme avec le forum d’Avignon. Cet événement majeur (jusqu’au là méconnu, avouons-le) de la réflexion culturelle pointue s’installe à Bordeaux, « une ville qui incarne nos valeurs et [qui] porte haut les couleurs de la culture » déclare Laure Kaltenbach, directrice générale du think tank. Même si l’égo bordelais est flatté puissance mille, les artistes locaux restent dubitatifs et parlent d’un événement « hors-sol ». Avec un défilé de personnalités nationales et internationales, le forum servira d’amplificateur pour le programme culturel du candidat Juppé. Ce sera finalement le seul souvenir marquant.

Après ce ballet d’émotions, les Bordelais assistent à des choses plus concrètes. La Ville annonce sa saison street art, c’est de la bombe ! Transfert #6 dans l’ancien bâtiment de Virgin place Gambetta confirme le succès de la discipline ; le festival Shake Well repasse une couche ; et d’autres initiatives habillent les murs de la ville avec des invités de marque (Julien de Casabianca sur la façade de l’ancien commissariat de Castéja…).

Même pas la saison terminée aux Vibrations urbaines de Pessac, on embraye sur le FAB. La première version du Festival des arts de Bordeaux se veut renversante avec la performance Dominoes. Effet garanti, les Bordelais sont conquis. Mais, étalé sur tout le mois d’octobre, le programmation fait le yoyo : des spectacles assurent (l’immense « Bovary » de Tiago Rodrigues…) et de petites productions ne trouvent pas public à la hauteur de la prise du risque (l’incroyable « Hearing » d’Amir Reza Koohestani…). Et pas sûr que l’empreinte du conflit syrien sur l’événement ait passionné les Bordelais. Enfin, l’excellente idée de la Voiture qui tombe version 2015, devenue Fabzone dans un tout autre lieu en 2016, a été plus timide en 2016. Sans doute que la barre était trop haute.

Mention spéciale pour la deuxième d’Océan Climax : une programmation de haute volée et quelques VIP sont venus placer le festival parmi les événements musicaux français avec lesquels il faudra compter ( et ). Un succès qui ne doit pas masquer toutes les difficultés que traversent aujourd’hui de nombreux événements sur la région (Nuits Atypiques à Langon…). WS

Détail de l'œuvre de Gleo, street-artiste colombienne invitée à Transfert 6 (WS/Rue89 Bordeaux)
Détail de l’œuvre de Gleo, street-artiste colombienne invitée à Transfert 6 (WS/Rue89 Bordeaux)

Internet sous l’émotion avec des Bordelais nés sous X

C’est l’histoire qui a fait fondre le Web au mois de juin. Julien Chaumet publie sur son compte Facebook un long texte pour retrouver sa mère biologique, avec une photo de lui tenant une pancarte : « Je suis né sous X le 30 janvier 1990, à 23h40 à l’hôpital Pellegrin, Bordeaux, France. »

Comme internet sait si bien le faire, le post devient viral. On ne compte plus le nombre de partages, plus de 110 000. Inutile de donner un chiffre, il augmente encore !

Comme la presse sait si bien le faire aussi, le post devient un sujet. Rue89 Bordeaux a préféré contacter l’auteur avant de faire ce choix. Julien Chaumet, dépassé, nous avoue avoir « refusé les passages à la télévision et les directs sur les radios » :

« J’ai eu un vertige, écrit-il dans un nouveau post sur sa page facebook. Les messages affluaient de partout !! Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Algérie, Maroc et j’en passe !! Ça n’arrêtait pas !! […] J’ai pleuré, j’ai ris, j’ai eu peur, je me suis senti fort, bref je suis passé par toutes les émotions possibles et imaginables. J’étais incapable de répondre ! Bloqué littéralement. J’étais figé devant mon écran voyant le nombre de partages et de messages augmenter de minute en minute… Totalement submergé, j’ai tenté en vain de m’endormir. Épuisé. Je n’ai alors pas fermé l’œil de la nuit. »

En juillet, Julien Chaumet décide de créer une page destinée à recueillir tous les messages de recherche des enfants nés sous X. Elle s’appelle Génération X.

Quelques mois plus tard, une autre Bordelaise fait parler d’elle. Karine, née sous X dans un hôpital de Bordeaux en 1995, publie un appel le 30 septembre sur Facebook pour retrouver sa mère. Sa publication est aussitôt partagée. Une semaine plus tard, la jeune fille est contactée par sa mère. WS

Lonely Planet, les supporters irlandais… Bordeaux « cool » au réveil ?

« La belle endormie s’est réveillée ! » Est-ce que quelqu’un a compté combien de fois on a pu écrire cette phrase ? Non ? Des milliers de fois sans doute. Du blogueur le plus confidentiel au journaliste touristique le plus en vogue, dès qu’il s’agit de parler de Bordeaux ces quinze dernières années, cette chute s’impose à tous les articles.

Le célèbre guide australien, Lonely Planet, ne déroge pas à la règle, ou du moins son traducteur. Le 25 octobre, il dresse la liste des 10 villes à visiter en 2017. Tadaaam : Bordeaux est en tête. Pourquoi ? Parce que « la nouvelle LGV placera la capitale girondine à seulement 2 heures de Paris », parce que « la Cité du Vin vient parachever l’impressionnante transformation des berges de la Garonne », parce que « les tables bordelaises n’en finissent plus de se réinventer », et parce que, rive droite, « le futur de Bordeaux s’écrit ». Ce qui donne quoi comme chute à l’article ? On vous laisse deviner.

Mais n’imaginez surtout pas qu’on est blasé, pas du tout. Après avoir été la meilleure destination européenne en 2015, Bordeaux continue sa moisson de titres (toujours pas sportifs hélas). Mais celui que l’on retiendra, est celui, le moins officiel de tous, que l’Euro 2016 nous a apporté en marge de la compétition par la voix d’un supporter irlandais après le stand up à la police française : « Bordeaux is [est] cool. »

Venant des supporters officiellement élus les plus cool, voilà un compliment qui, sur le coup, nous a fait oublier les ronchons qui se plaignaient de voir leur ville envahie et les ordures dans les rues de Bordeaux après des rassemblements gigantesques et sans heurts. La belle endormie s’est réveillée, faut qu’elle sorte du lit de bonne humeur. WS


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